PERMANENCE / ORANGERIE DE SUCY
« Consolidé, le regard est maintenant capable de partage et de générosité » Nicolas Bouyssi
France Dubois, Augustin Gimel, Armel Hostiou et Marie Maquaire proposent, dans le cadre de l’Orangerie, une série de films courts. Ces quatre artistes ont eu des parcours très différents assez caractéristiques des différents réseaux de la création dans ce domaine (cinéma, création numérique, vidéo dite « d’art contemporain »….). Leurs travaux sont montrés tant dans les expositions d’art - les Nuits Blanches de Paris ou Lille 2004 - que dans les festivals de cinéma ou à la télévision.
Si le cinéma induit une série de photographies donnant l’illusion du mouvement, c’est plutôt le chemin inverse qui est emprunté par les films de « Permanence » : ils tendent d’un certain point de vue, par l’image filmée, à l’image unique. Cette image unique se caractérise, dans un premier temps, par une forme de frontalité, de picturalité - absence de ligne de fuite, recours à des images marquées par la ligne continue …- qui est comme une ré-interprétation parfois explicite de moments reconnaissables de la peinture.
Les deux films de France Dubois inscrivent des figures dans un cadre fixe, une toile de fond abstraite immobile et épurée - les promeneurs de Digue Morand marchent dans un paysage à trois bandes monochromes et les avions de Aerodynes forment, comme les peintures de Morris Louis, des lignes parallèles au bord du cadre. Augustin Gimel utilise des fragments de peinture classiques dans Extracorpus, des photographies de lignes droites dans le Postulat d’Euclide, de façades d’immeubles dans Je n’ai pas du tout l’intention de sombrer. Armel Hostiou crée des plans séquences défragmentés en filmant un nu dans un escalier qui fait écho à Marcel Duchamp (Nu descendant un escalier) et à Gerhard Richter (Ema). Marie Maquaire, dans Le promeneur rend hommage à la célèbre peinture de Caspar David Friedrich - Le promeneur au dessus de la mer de nuages - en filmant des habitants de Paris en train de contempler, immobiles, un pont, un passage, un immeuble de Paris...
Pour autant, les films proposés ne créent pas une image fixe et définitive. Les films sont tous traversés par un mouvement ininterrompu, le plus souvent linéaire (diagonal dans Aerodynes, vertical dans Chûte 1 et Chûte 2, circulaire dans Extracorpus…) qui tend, par la permanence d’un dispositif, à la création d’une image unique mais toujours fuyante, toujours inachevée et qui doit finalement son existence au travail de l’imagination : l’image d’un «corps neuf» dans Extracorpus, le portrait d’une ville à travers le regard d’un promeneur multiple, un tableau vivant créé par les lignes des avions d’Aerodynes ou les figures de Digue Morand.
Le mouvement est continu et semble nous sortir sans cesse du territoire dans lequel il s’inscrit - le ciel, la ville, des façades d’immeuble, une digue…- ouvrant vers l’infini, vers un espace ou une figure inaccessible, et cette instabilité provoque des impressions contradictoires où l’émerveillement peut laisser la place à une forme de mélancolie. Mais si le défilé des images peut être spasmodique, à la limite du perceptible, on échappe finalement à la dissolution perpétuelle, au zapping sans cohérence ni sens ; les films de l’exposition vidéo de l’Orangerie nous offrent une nouvelle manière de regarder les images au-delà des convulsions du temps, dans leur infinie permanence.
D Robin