Les commanditaires
Le dispensaire Saint-Gabriel de Conakry existe depuis plus de 20 ans. Une cinquantaine de professionnels y travaillent dont un peu plus de 40 guinéens et 6 ou 7 coopérants. Chaque jour jusqu'à 500 patients issus pour la plupart des quartiers défavorisés de la capitale guinéenne viennent s'y faire soigner. C'est un lieu de pluralité où différentes langues, religions, nationalités se côtoient quotidiennement. Le dispensaire est géré par une ONG (FIDESCO) qui pilote par ailleurs une centaine d'autres projets dans le monde. Il est soutenu par le Programme Alimentaire Mondial, Terres des Hommes, l'UNICEF.
L'installation, qui décrit la vie au dispensaire à travers 150 photographies et des témoignages, est narrative, elle se parcourt "comme une histoire" ; mais c'est une narration dont la temporalité est incertaine, à mi chemin entre le présent d'habitude et le passé, entre le temps de la permanence et le temps de celui qui témoigne des choses vues.
Voir, revoir...
Le dispositif induit une mise en mouvement du visiteur qui découvre le dispensaire pas à pas. Le visiteur peut appréhender l’installation en se contentant de voir une fois les photos -qui constituent une longue série d'ellipses-, sans lire le texte. Il dispose alors d’informations simples et sensibles concernant la population, le fonctionnement des services… Il peut aussi lire le texte au verso – et, subséquemment, revoir les photos, la fin du texte amenant le visiteur au début de la bande d’images. Le regard alors s’enrichit, certaines photographies prennent un second sens, certains contresens sont rectifiés.
Un dispensaire à Conakry » n’est pas à proprement parler une exposition de photographies mais la mise en espace de cette relation entre les images elles-mêmes et entre le public et la juxtaposition de ces images.
"L'émotion ne dit pas je"
Dix fragments sur la liberté esthétique
"Au rebours des attitudes anti-dialectiques, fondées sur le généralisation et le durcissement des oppositions, l'image parce que nous ne pouvons avoir affaire à elle sans mettre en oeuvre notre imagination exige de nous à chaque fois un art de funambule : affronter l'espace dangereux de l'implication où nous nous déplaçons délicatement en risquant, à chaque pas de choir (dans la croyance, dans l'identification); rester en équilibre avec pour instrument notre propre corps aidé du balancier de l'explication (de la critique, de l'analyse, de la comparaison, du montage). Explication et implication se contredisent sans doute comme la rectitude du balancier contredit l'improbalité de l'air. Mais il ne tient qu'à nous de les utiliser ensemble en faisant de chacune la façon de déplier l'impensé de l'autre. "
G. Didi-Huberman, in "Alfredo Jaar", Musée Cantonal des Beaux Arts, Lausanne
Début 2008, l’ONG FIDESCO m’a proposé une collaboration. Leur idée était que je crée une installation à partir d’une de leur action de solidarité internationale. Ma première réaction a été l’hésitation : j’avais conscience du fossé qui séparait une ONG catholique de ma propre démarche, celle d’un artiste athée qui développe un univers personnel voire poétique. Nous avons finalement choisi une de leur action – le dispensaire de Conakry en Guinée parce que c’est le plus ancien projet de l’organisation – et je suis parti une première fois en repérage. Arrivé en Guinée, j’ai d’abord eu la sensation de ne pas être à ma place, au point d’envisager de rentrer. C’était mon premier voyage en Afrique, je me retrouvais dans l’un des dix pays les plus pauvres au monde, dans un dispensaire où l’on soigne près de cinq cents personnes par jour... Est-ce la place d’un plasticien ? Je suis finalement resté et les voyages se sont succédés, donnant naissance à deux créations : l’une produite par l’ONG (Un dispensaire en Guinée), l’autre autoproduite (Étudiants à Conakry). Lire la suite
1- Présentation